Oubliez les évidences et les certitudes molles : tout ce qui brille derrière un écran ne vous appartient pas. La liberté numérique n’est pas un supplément d’âme, c’est une bataille de tous les instants, incarnée depuis des décennies par Richard Stallman. L’histoire du logiciel libre, c’est celle d’une reconquête, loin des discours aseptisés sur la technologie neutre. Ici, chaque choix de code, chaque licence, chaque bouton cliqué pèse sur notre pouvoir d’agir.
Plan de l'article
- Stallman ouvre le ballon
- Logiciel propriétaire
- Les 4 libertés du logiciel libre
- Gratuit ou ouvert
- Le choix de la licence
- Inertie sociale
- Le programme contrôle l’utilisateur
- GNU Linux, s’il vous plaît
- Ubuntu, pas entièrement gratuit
- 3 acclamations pour Edward Snowden
- Méfiez-vous du SAAS
- Ithing et jailbreak
- Quelques idées de logiciels libres
- Blender pour votre 3D
- Licence de cet article
- Références
Stallman ouvre le ballon
Dès qu’il prend la parole, Richard Stallman donne la couleur. Sa priorité ? Faire primer la liberté, tant pour l’utilisateur que pour le développeur. La protection de la vie privée guide chaque mot, chaque consigne énoncée.
Lors de ses déplacements, il insiste sur plusieurs exigences auxquelles le public doit prêter attention :
- Avant de filmer, désactivez la géolocalisation sur votre téléphone.
- En cas de photo, mieux vaut éviter toute publication sur Facebook, réseau qui traque chaque visage, même de dos.
- Pour une vidéo, privilégiez un format réellement libre comme ogg ou webm, et assurez-vous que chacun puisse la visionner sans la moindre ligne de JavaScript à exécuter.
Logiciel propriétaire
Le logiciel propriétaire prive l’utilisateur de toute autonomie. Sans code source ouvert, rien ne garantit l’absence de collecte de données en douce ni qu’aucune porte dérobée n’attend son heure. Utiliser un tel outil revient souvent à changer de camp : on se retrouve surveillé, analysé, parfois trahi, par le programme lui-même. Difficile de ne pas partager la méfiance de Stallman face à une telle inversion des rôles.
Pour sortir de cette impasse, Stallman formule quatre principes. Si l’une de ces garanties fait défaut, alors oubliez, ce n’est pas un logiciel libre.
Les 4 libertés du logiciel libre
Pour mériter l’étiquette « libre », un logiciel doit garantir ces quatre libertés centrales :
- Exécuter le programme de la façon qui convient à chacun (liberté 0).
- Éplucher son fonctionnement et l’adapter pour l’usage souhaité (liberté 1). Cela suppose d’avoir accès à l’intégralité du code.
- Donner des copies à qui l’on veut (liberté 2).
- Partager ses propres versions modifiées (liberté 3). C’est ainsi que chacun profite des améliorations collectives, toujours grâce au partage du code.
Pour qui veut creuser la question, la philosophie complète est exposée sur le site du projet GNU, offrant une vision sans concession du sujet.
Gratuit ou ouvert
La gratuité ne fait pas tout. Ce qui compte, c’est la garantie effective des droits de l’utilisateur. Un logiciel open source, même publié avec le code visible, peut imposer des barrières à la modification ou au partage, court-circuitant la possibilité d’en diffuser d’autres versions.
Aux yeux de Stallman, open source et logiciel libre ne sont pas de simples variantes. L’open source se montre souvent trop permissive avec certaines restrictions, là où la liberté logicielle ne transige jamais. Ce sont surtout les logiciels propriétaires, véritables coffres fermés à double tour, qui posent problème. Non sans humour, Stallman résume la situation à travers une citation mordante sur la paternité de l’open source et la technique de l’insémination artificielle.
Le choix de la licence
Adopter une licence pour un logiciel engage bien plus que de simples détails juridiques. Stallman distingue celles qui laissent la porte entrouverte (dites « faibles ») de celles qui assurent que chaque amélioration reste accessible à tous (les « fortes »).
Licence faible et licence solide
Illustration frappante avec la licence MIT : chaque ligne de code peut atterrir en catimini dans les projets fermés d’un grand groupe, sans retour à la communauté. A contrario, une licence du type GPL force la main aux entreprises : toute modification bénéficie à l’ensemble, obligeant même les géants du secteur à jouer le jeu du partage. La différence se répercute vite sur l’écosystème.
Dans la pensée de Stallman, éduquer à l’autonomie numérique dès l’enfance passe forcément par le logiciel libre. Seuls ces outils respectent vraiment les droits des élèves, bien au-delà de la simple technique.
Pourtant, la réalité sur le terrain déçoit : écoles sous licences imposées par de grands groupes, univers professionnel rivé à ses habitudes propriétaires. Aucun acteur n’ose enclencher la bascule, ralentissant toute aspiration collective à l’émancipation.
Le constat est encore plus amer quand les fournisseurs historiques profitent de leur place : campagnes de dons massifs de licences, investissements dans l’éducation, habitude ancrée de payer pour utiliser des outils fermés, tout est bon pour installer leur domination. Pendant ce temps-là, les alternatives libres comme GNU/Linux attendent derrière la porte.
Le tableau s’assombrit avec la découverte de failles voulues, comme les fameuses portes dérobées intégrées à certains systèmes, pistes idéales pour la surveillance étatique et industrielle.
Le programme contrôle l’utilisateur
GNU Linux, s’il vous plaît
Pour Stallman, évoquer simplement « Linux » efface l’histoire. Le socle, c’est GNU. Parler de « GNU Linux » rend hommage à ce combat pour un système réellement ouvert, où chaque pièce du puzzle respecte la même logique de liberté. Ce point de vocabulaire n’est pas anodin : il traduit un vrai choix politique.
Ubuntu, pas entièrement gratuit
Même sous Linux, tout n’est pas rose. Stallman pointe le cas de distributions qui glissent des éléments propriétaires, par exemple des pilotes indispensables mais offerts sans code source.
Autre sujet d’alerte : la gestion des données chez certains éditeurs. Sur Ubuntu, dès l’installation, des recherches effectuées en local par l’utilisateur transitent vers les serveurs de la société, puis parfois vers des entreprises tierces. Un réflexe à adopter : plonger dans les paramètres de confidentialité pour désactiver la collecte automatique.
Pour ceux qui visent une transparence totale, il existe des distributions vraiment libres, listées par le projet GNU lui-même. Quant au suivi légal, la question reste approfondie dans bon nombre de ressources spécialisées.
3 acclamations pour Edward Snowden
Stallman ne manque jamais de féliciter ceux qui incarnent l’esprit de résistance digitale. Edward Snowden, lanceur d’alerte à la fois célèbre et controversé, fait partie de ces figures que Stallman salue publiquement. Selon lui, ce type de courage mérite la reconnaissance collective.
3 acclamations pour Snowden !
Méfiez-vous du SAAS
Le modèle SaaS (Software as a Service) n’est pas sans danger. À chaque connexion, l’utilisateur se retrouve pieds et poings liés face au fournisseur : plus d’accès au code, plus de contrôle sur le sort des données, tout passe derrière un rideau opaque.
Dès qu’une plateforme capitalise sur les données personnelles, Stallman préfère pointer des solutions alternatives où le respect de la vie privée n’est pas qu’un slogan publicitaire.
Ithing et jailbreak
Dans l’univers Apple, chaque appareil enferme ses utilisateurs derrière des murs propriétaires, du matériel aux applications, tout se verrouille. Les applications suspectes pullulent sur le store et les données personnelles circulent au-delà des frontières, sans véritable garde-fou.
Le déverrouillage, ou jailbreak, représente le moyen d’accéder à d’autres applications, d’autres thèmes, de sortir un instant des choix imposés. C’est la porte discrète vers un petit espace d’autonomie, permettant même, dans des cas bien précis, de contourner les frais habituels sur certains contenus. Pour qui veut aller plus loin, des pages de référence détaillent la démarche sans complaisance.
L’autre angle mort du numérique actuel : la distribution d’applications web minifiées, dont le code JavaScript, obfusqué et compressé, devient quasiment illisible. Stallman le répète : pour protéger l’utilisateur, il faut fournir la version lisible du code, par exemple sur une forge logicielle reconnue. Sans cela, la rétro-ingénierie reste la seule solution possible, un parcours long et incertain.
Quelques idées de logiciels libres
LibreJS
Pour qui souhaite naviguer en gardant la main sur ce qui s’exécute, LibreJS se présente comme une solution radicale. Cette extension Firefox bloque les scripts non libres, assurant à l’utilisateur que seuls des codes respectueux de sa liberté peuvent tourner.
LibreOffice, l’alternative à Microsoft Office
Face à la domination du traitement de texte propriétaire, LibreOffice trace sa route. Gratuite, développée collectivement, cette suite bureautique permet de participer à son amélioration tout en offrant une expérience complète, que ce soit pour rédiger, compter, présenter ou organiser.
Télécharger LibreOffice est possible sans frais, sur tous les systèmes majeurs.
L’application fonctionne aussi bien sous GNU Linux, Mac OS que Windows.
| LibreOffice | Microsoft Office | |
| Coût | 0$ | $$$ |
| Code source | Ouvert | Fermé et propriétaire |
| Libertés | 0, 1, 2, 3 | Aucune |
| Logiciel comparable | Writer Calc Impress Base | Word Excel PowerPoint Visio |
Blender pour votre 3D
Pour la création 3D, Blender s’impose comme un modèle : gratuit, ouvert, multi-plateformes, riche en outils pour tout faire, de la modélisation à l’animation en passant par le rendu.
Après une décennie d’existence, Blender n’a rien perdu de son dynamisme. De GNU Linux à Windows en passant par Mac OS, les créateurs disposent d’une panoplie complète pour repousser les limites de leur imagination.
Licence de cet article
Pour un usage ou une adaptation de ce contenu, le fonctionnement est transparent :
- Ce texte est partagé sous licence CC-BY 3.0.
- Les photos de Richard Stallman par Guillaume Simard bénéficient du même régime.
- Les créations graphiques de Christian Noguera, Valentin Pasquier et Richard Stallman sont également sous licence CC-BY 3.0.
- Le fichier original « Introduction au logiciel libre » existe au format Office.
Références
- Audio de la conférence de Richard Stallman à l’Université Laval 2016
- ex-situ.info/2016/03/22/conference-de-richard-stallman-logiciel-libre-et-liberte-numerique/ ; gnu.org/distros
- gnu.org/help
- gnu.org/education/
- gnu.org/governement
- gnu.org/software/librejs/
- addons.mozilla.org/fr/firefox/addon/librejs/
- gnu.org/philosophy/open-source-misses-the-point.html
- gnu.org/philosophy/javascript-trap.html
- Vidéo TEDx de Richard Stallman : « Introduction au logiciel libre et à la libération du cyberespace », Free Software Foundation, travailler ensemble pour le logiciel libre
À chacune de nos utilisations numériques, une ligne de code bien choisie peut desserrer l’étau. Rien n’oblige à accepter les menottes invisibles. L’histoire du logiciel libre n’est pas achevée : elle s’écrit, un octet à la fois, chaque jour où l’on refuse la résignation.

