Les spécialistes chargés d’alerter sur les tempêtes solaires violentes

Illustration : Studio de visualisation scientifique du Goddard Space Flight Center de la NASA. Les tempêtes solaires violentes et les rafales de vent solaire n’épargnent pas grand monde : satellites en orbite, réseaux électriques terrestres, même les pigeons voyageurs risquent d’y laisser des plumes. Pourtant, chaque jour, Henrik Lundstedt et son équipe scrutent la météo spatiale avec une vigilance rare. Leur mission ? Veiller, alerter, anticiper. Ils appartiennent à l’un des dix-huit centres régionaux du Service international de l’environnement spatial, responsables de détecter et signaler toute manifestation solaire susceptible de secouer la Terre. Ce jour-ci, le calme règne dans l’espace.

« Mais le soleil n’est jamais vraiment immobile. Parfois, il relâche d’énormes tempêtes, capables de projeter jusqu’à 50 milliards de tonnes de matière à des vitesses qui frôlent les 3 400 kilomètres par seconde », détaille Henrik Lundstedt, physicien solaire à l’Institut de physique spatiale de Lund.

Le soleil, c’est avant tout une gigantesque boule de plasma. En son cœur, la température grimpe à 15 millions de degrés : un four cosmique où l’hydrogène fusionne sous l’effet de la chaleur et de la pression, générant une énergie phénoménale. Cette énergie migre ensuite vers la zone radiative, où il ne fait « plus que » deux millions de degrés. Comme dans une casserole portée à ébullition, la chaleur monte par mouvements convectifs jusqu’aux couches externes. De ces mouvements naît le champ magnétique solaire, clé de toute cette dynamique.

Nous sommes « à l’intérieur » du soleil

La partie visible du soleil, celle que l’on aperçoit les jours dégagés, s’appelle la photosphère. En août 2017, une éclipse solaire totale a offert à des millions d’Américains la vision rare de la couronne solaire, cet immense halo rayonnant que les astronomes étudient à l’aide d’éclipses artificielles. La couronne affiche des températures bien supérieures à la photosphère, et lors des tempêtes solaires, elle peut même rivaliser avec le cœur du soleil. Ce phénomène reste largement inexpliqué par la communauté scientifique.

Penser au soleil comme à un simple disque lumineux serait une erreur, affirme Henrik Lundstedt. « Nous sommes littéralement enveloppés par le soleil, si l’on observe la situation sous un autre angle. C’est le champ magnétique terrestre qui nous protège. Sans lui, le rayonnement cosmique frapperait directement la planète, rendant la vie impossible. »

Les particules projetées lors des tempêtes solaires sont multiples, mais ce sont surtout les protons, fortement énergétiques, accélérés par les éjections de masse coronale, qui attirent l’attention des chercheurs. « Sur les images, on les repère sous forme de stries blanches (voir image bleue ci-dessous). C’est le signe d’une éjection rapide de masse coronale, qui va probablement produire des effets puissants », explique Henrik Lundstedt.

Satellites de défense

Quand ces tempêtes se déclenchent, les protons sont expulsés à grande vitesse. Ces épisodes, nommés éjections de masse coronale, associés au vent solaire, provoquent des perturbations géomagnétiques visibles jusque sur Terre. Quand les particules suivent les lignes du champ magnétique en direction des pôles, elles offrent le spectacle des aurores boréales et australes, un cadeau pour les yeux, mais l’histoire ne s’arrête pas là.

Les conséquences peuvent être bien plus sérieuses. « À l’Halloween 2003, une tempête solaire a semé la pagaille sur plusieurs continents. Des satellites ont été endommagés, les systèmes de défense américains perturbés, les GPS ont connu des dysfonctionnements, et une partie du réseau électrique de Malmö a été mise hors service », relate Henrik Lundstedt.

Alerte jusqu’aux associations de pigeons voyageurs

Quand le champ magnétique solaire se déchaîne, il traverse la surface de l’astre et propulse dans l’espace une pluie de particules. L’Observatoire de la dynamique solaire (SDO) de la NASA a saisi ces instants spectaculaires. Dès qu’un événement extrême est repéré, des alertes sont envoyées à tous les organismes concernés : autorités de sécurité civile, police, services d’enquête, chaînes de médias, compagnies aériennes, et même les associations de pigeons voyageurs. Car ces oiseaux, qui s’orientent grâce au champ magnétique terrestre, se retrouvent eux aussi déboussolés lors de ces tempêtes.

L’activité solaire varie selon des cycles de 15 à 22 ans. Mais un soleil en apparence tranquille peut tout de même déclencher des orages redoutables. « On a tendance à croire que le soleil ne bouge pas beaucoup. En réalité, il est en perpétuel mouvement et change sans cesse, même au sein d’un cycle calme. Il faut rester sur le qui-vive, même quand tout semble paisible. C’est ce qui fait tout l’intérêt, et parfois le casse-tête, de notre métier », confie Henrik Lundstedt.

Les différentes régions du soleil

Voici un tour d’horizon des zones majeures du soleil et de leur rôle dans les phénomènes solaires :

  • Zone radiative : située juste après le noyau, c’est ici que l’énergie se déplace par rayonnement.
  • Photosphère : considérée comme la « surface » du soleil, avec des températures comprises entre 5 000 et 6 000 kelvins (proche des mêmes valeurs en degrés Celsius).
  • Chromosphère : cette « sphère de couleur » doit son nom à sa teinte rouge foncé, visible juste avant une éclipse solaire totale.
  • Couronne : c’est là que se produisent les tempêtes solaires. Les éjections de masse coronale projettent entre 5 et 50 milliards de tonnes de matière à des vitesses pouvant aller jusqu’à 3 400 km/s ; la plus rapide atteint notre planète en 15 heures. Les chocs produits accélèrent les protons, qui peuvent alors parcourir la distance Terre-Soleil en moins d’une heure. Les éruptions solaires, quant à elles, impactent la surface terrestre en huit minutes, libérant une énergie estimée à 1018 kWh, soit la consommation des États-Unis sur plus de 40 000 ans.
  • Trou coronal : c’est de cette zone que part le vent solaire rapide qui déclenche certaines tempêtes magnétiques sur Terre.
  • Vent solaire : il s’agit d’un flux de particules chargées expulsées par le soleil. Les vents solaires les plus rapides, dépassant 800 km/s, proviennent des trous coronaux où le champ magnétique est ouvert.
  • Zone convective : c’est là que l’énergie se déplace par convection. Les mouvements générés produisent le champ magnétique, point de départ des tempêtes solaires et du vent solaire.

Texte : TOVE SME

Vidéo tempête solaire : Goddard Space Flight Center de la NASA
Images reproduites avec l’aimable autorisation de la NASA/LMSAL/IRIS/SDO
Photos du soleil : NASA

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À l’échelle humaine, le soleil semble lointain et immuable. Mais pour qui observe au quotidien ses caprices, impossible d’ignorer sa puissance imprévisible : la prochaine tempête pourrait déjà être en route, invisible, silencieuse, prête à bousculer nos certitudes terrestres.